Comment estimer l’état et l’évolution des populations ?
Selon les saisons et les années, l’effectif est-il stable, en croissance, ou en diminution?
Deux types de méthodes permettent de répondre à ces questions : celles qui impliquent la capture des individus et les méthodes indirectes d’estimation des populations.
La méthode la plus fiable est la capture, le marquage et la recapture des individus. Capturés avec des pièges qui ne les blessent pas, les animaux sont examinés, marqués, puis relâchés sur leur lieu de capture.
Le suivi sur plusieurs jours consécutifs (5 jours en général), avec un nombre important de pièges répartis sur l’ensemble du site d’étude, permet de recapturer une partie de la population. La proportion d’individus déjà marqués parmi les individus repris permet d’estimer, à l’aide de modèles mathématiques, l’effectif de la population et la densité en individus (par classe d’âge et de sexe). Si les piégeages sont effectués régulièrement au cours des mois et des années, les taux de survie des animaux peuvent être également estimés.
Cette méthode est toutefois contraignante car elle nécessite l’installation et le relevé fréquent de plusieurs dizaines voire centaines de pièges, ceci par des personnes expérimentées. Dans les secteurs où le piégeage n’est pas réalisable (parcs urbains, forêts périurbaines très fréquentées par le public, zone à faible densité en écureuils), des méthodes indirectes peuvent être utilisées : le dénombrement des individus le long d’itinéraires-échantillons, la fréquentation de tubes à poils, le dénombrement des nids d’écureuils, le suivi au cours du temps du nombre de cônes de conifères rongés par ces animaux, ou encore le dénombrement des traces sur la neige. Ces méthodes, aux nombreux biais, apportent des informations essentiellement lorsqu’elles sont appliquées sur le long terme.
En complément à l’utilisation de ces méthodes, il est primordial d’étudier le comportement de ces espèces et en particulier leur mode d’occupation de l’espace. Les animaux sont-ils sédentaires, ou au contraire ont-ils un comportement erratique ? Occupent-ils l’ensemble de la surface étudiée ou certains milieux en particulier ? Quelles sont les relations entre les individus ? Défendent-ils un territoire ? Quelle est l’étendue de leur domaine vital ? Comment les jeunes se dispersent-ils ? Une partie des réponses à ces questions peut être obtenue par l’utilisation d’une méthode largement utilisée chez les mammifères et également chez les oiseaux : le suivi d’animaux équipés de radio-émetteurs.
Dans l’idéal, de telles méthodes devraient être appliquées dans les différents types d’habitats de l’espèce étudiée afin d’analyser, selon les situations, les facteurs agissant de manière déterminante sur la biologie des populations. En pratique, connaître les facteurs intervenant sur la dynamique d’une population nécessite des efforts importants, sur une durée de 10 ans au minimum pour des rongeurs tels que les écureuils. De ce fait, ces travaux seront réalisés sur des secteurs de surface restreinte, représentatifs des habitats de l’espèce.
Étudier l’évolution démographique d’une population consiste à analyser les paramètres de natalité, de mortalité, d’émigration et d’immigration.
L’étude de l’ensemble de ces paramètres permet d’analyser la dynamique de la population, dont l’un des facteurs essentiels chez les Sciuridés est l’alimentation. Cette étude nécessite le marquage d’une proportion importante des individus de la population, un suivi sur le long terme (une dizaine d’années), et en parallèle l’analyse des caractéristiques du milieu (ressources trophiques, prédation…, et climat).
Concernant les écureuils, il est difficile de déterminer la natalité, c’est-à-dire le nombre de jeunes à la naissance, car l’accès aux nids n’est pas aisé tant pour les écureuils arboricoles et pour les écureuils dits "terrestres", c'est-à-dire mettant bas dans un terrier. Les seules méthodes permettant de disposer de telles informations sont indirectes : autopsie de femelles à terme, dénombrement des jeunes présents dans des nids tombés à terre (écureuils arboricoles), piégeage à proximité du terrier de naissance chez les écureuils terrestres (le Tamia de Sibérie par exemple), recherche de parenté chez les jeunes par analyse génétique…
Le principal facteur intervenant sur la natalité est l’alimentation, agissant sur la condition physique des femelles. Si elles sont en mauvaise condition physique, les femelles n’entreront pas en reproduction, ou produiront un faible nombre de jeunes par portée, ou encore ne feront qu’une portée par an.
La mortalité intervient essentiellement par prédation (Mustélidés, rapaces diurnes, chats…) et par collision sur les routes. Le parasitisme (ecto et endoparasites) est également à considérer. La mortalité est estimée par l’analyse du taux de survie des individus, variable selon l’âge et le sexe des rongeurs, basée sur le devenir d’individus marqués et dont on connait la charge en parasites (tiques par exemple).
L’immigration et l’émigration affectent les jeunes et les subadultes, les adultes des trois espèces d’écureuils présentes en France étant sédentaires sous nos climats. L’utilisation de l’espace est étudiée par le suivi du devenir d’individus marqués, et par celui des animaux équipés d’un collier émetteur.