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Statut juridique de l’écureuil roux et des écureuils exotiques en France

(Extrait de S. Guerder 2011 - Télécharger le rapport complet)

Statut juridique de l’écureuil roux

"L’écureuil roux, réparti sur l’ensemble du territoire métropolitain, est protégé par divers textes :

  • Au niveau international, l’écureuil roux n’est pas visé par les annexes de la Convention de Washington du 3 mars 1973 sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (dite CITES).
  • Au niveau européen, l’espèce est visée par l’annexe 3 de la Convention de Berne du 19 septembre 1979 pour la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, ce qui la classe parmi les espèces protégées dont l’exploitation doit être réglementée pour les maintenir hors de danger.
  • Au niveau français, cet écureuil est protégé depuis 1976*; il est à présent visé par l’arrêté du 17 avril 1981 relatif aux mammifères protégés sur l’ensemble du territoire national dont la destruction, la mutilation, la capture, le transport sont interdits. Plus récemment, il est visé par l’arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection.

Les conséquences de ce statut résultent en une protection totale : il est interdit de capturer des individus appartenant à cette espèce, de les blesser, de les tuer, de les commercialiser et de les transporter (même déjà morts), etc. Toutefois, dans certains cas, il est possible d’obtenir une dérogation ministérielle à des fins d’études scientifiques".

*Nb : La loi n°76-629 du 10 juillet 1976 dont les articles 3 et 4 et le décret n°77-1295 du 25 novembre 1977 ont fixé le cadre de la réglementation de protection des espèces. Ces textes (légèrement modifiés) figurent maintenant dans le Code de l'environnement : articles L. 411-1 et L. 411-2 (pour la partie législative ; en 1989 ils avaient été intégrés dans le code rural : L. 211-1 et L. 211-2) et R. 411-1 (pour la partie réglementaire ; même intégration dans le code rural en 1989). Un arrêté du 24 avril 1979 a fixé la liste des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire national: arrêté repris par l'actuel arrêté de 1981. (G. Humbert, com. pers.).

Le statut juridique du tamia de Sibérie et de l’écureuil à ventre rouge

"Ces deux espèces, originaires d’Asie, et dont des populations sont installées en milieu naturelle dans notre pays depuis la fin des années 1960, ne sont visées par aucun des  textes précédemment cités et ne possèdent donc pas le statut d’espèces protégées. En conséquence, leur capture et leur détention ne sont soumises à aucune interdiction.

Toutefois, cette absence de statut n’est pas totale, puisque tout animal sauvage (exception faite de ceux considérés comme gibier qui entrent dans la catégorie des espèces chassables) est avant tout vu par le droit comme un bien non-approprié, plus précisément une res nullius, c’est-à-dire une chose sans maître, qui n’appartient à personne.

Ils sont en outre concernés par les dispositions relatives aux espèces animales non domestiques, définies par l’article R411-5 du code de l’environnement comme "celles qui n’ont pas subi de modification par sélection de la part de l’Homme". Cette modification par sélection s’entend d’une sélection au niveau génétique.

L’article L411-3, I, du code de l’environnement interdit "l’introduction dans le milieu naturel, volontaire, par négligence ou par imprudence : 1° de tout spécimen d’une espèce animale à la fois non indigène au territoire d’introduction et non domestique, dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et, […] du ministre chargé de l’agriculture […] ; 3° de tout spécimen de l’une des espèces animales ou végétales désignées par l’autorité administrative". Le III précise que, dès que la présence d’une de ces espèces est constatée dans le milieu naturel, l’autorité administrative peut "procéder ou faire procéder à la capture, au prélèvement, à la garde ou à la destruction" de ces spécimens".

L’introduction volontaire et, entre autres, la commercialisation de ces espèces, sont punies de six mois d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende (article L415-3 du code de l’environnement), tandis que l’introduction par imprudence ou négligence est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe (article R415-3 du même code).

La condition essentielle pour l’application de cet article reste donc la désignation explicite de l’espèce par l’administration. Cet aspect a, jusqu’à très récemment, souffert d’un vide juridique. De même, il n’existe aucune disposition prévoyant le contrôle des populations de ces espèces".

L’introduction de nouvelles normes

"Concernant le tamia de Sibérie, la solution évidente pour enrayer le phénomène à sa source serait l’arrêt de son introduction par l’interdiction de sa vente en animalerie. Toutefois, ce projet semble impossible à réaliser compte tenu du lobby des animaleries. De plus, cette interdiction pourrait en pratique être contournée car certaines personnes élèvent et commercialisent eux-mêmes des tamias. […]

Le principal problème pour l’intervention de nouvelles normes réside dans l’absence de statut juridique de cette espèce. Par ailleurs, les actions à mettre en œuvre contre le tamia sont d’autant plus longues et délicates qu’elles présentent un caractère interministériel : ministère en charge de l’écologie et ministère de la santé sont tous deux concernés.

Un arrêté récent est venu pour partie combler ce vide juridique. Il s’agit de l’arrêté du 30 juillet 2010 interdisant sur le territoire métropolitain l’introduction dans le milieu naturel de certaines espèces d’animaux vertébrés (NOR : DEVN1016200A), qui vient notamment interdire l’introduction volontaire, par négligence ou par imprudence, de toute espèce d’écureuils [de Sciuridés] dans la nature, sauf l’écureuil roux et la marmotte. Par conséquent, toutes les espèces d’écureuils non-indigènes sont visées, parmi lesquelles le tamia, l’écureuil à ventre rouge et l’écureuil gris [mais aussi les autres Sciuridés].

Un autre arrêté du 30 juillet 2010, modifiant l’arrêté du 10 août 2004 fixant les conditions d’autorisation de détention d’animaux de certaines espèces non domestiques dans les établissements d’élevage, de vente, de location, de transit ou de présentation au public d’animaux d’espèces non domestiques et l’arrêté du 10 août 2004 fixant les règles générales de fonctionnement des installations d’élevage d’agrément d’animaux d’espèces non domestiques (NOR : DEVN1016197A), n’autorise plus la détention libre que de six individus pour le tamia ; au-delà, un certificat de capacité d’élevage délivré sur dossier par la préfecture est requis.

Ces arrêtés constituent un bon point de départ et montrent une montée de la prise en compte de ces espèces par les pouvoirs publics".

Vers le contrôle des écureuils exotiques

"L’année 2010 était l’année de la biodiversité. Un des pans de la protection de la biodiversité est la lutte contre les espèces envahissantes, d’ores et déjà reconnue au niveau supra-national. Ainsi, l’article 8, h) de la Convention sur la Diversité Biologique du 22 mai 1992, entrée en vigueur le 29 septembre 1994, stipule que chaque partie contractante "empêche d’introduire, contrôle ou éradique les espèces exotiques qui menacent des écosystèmes, des habitats ou des espèces".

De même, plusieurs communications au niveau de l’Union européenne incitent les Etats à prendre des mesures pour réguler les populations d’espèces envahissantes.

Une recommandation n° 114 du Comité permanent de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe a par ailleurs été adoptée le 1er décembre 2005, sur le contrôle de l’écureuil gris (Sciurus carolinensis) et d’autres espèces exotiques d’écureuils en Europe. Celle-ci invite les "Parties à mettre en œuvre des mesures de prévention contre l’introduction d’espèces exotiques d’écureuils, incluant toutes les voies d’introduction pertinentes telles que le commerce et le tourisme, et à veiller tout particulièrement à détecter de nouvelles introductions afin de mener des interventions rapides justifiées et spécifiques, telles que l’éradication, surtout aux touts premiers stades de l’introduction".

Enfin, l’article 23 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle I, précise que "pour stopper la perte de la biodiversité sauvage et domestique, restaurer et maintenir ses capacités d’évolution, l’État se fixe comme objectifs : […] la mise en œuvre de plans de lutte contre les espèces exotiques envahissantes, terrestres et marines, afin de prévenir leur installation et leur extension et réduire leurs impacts négatifs".

En France, quelques espèces phares sont visées par cette action : l’herbe de la pampa, l’écureuil à ventre rouge (espèce plus représentative que le tamia car ayant un impact plus important, et plus simple à gérer car davantage localisée) et la grenouille-taureau. Le principal problème est que, si les causes de l’arrivée d’une espèce sont toujours présentes, chercher à en limiter la population est inutile. L’objectif général serait donc de tendre surtout vers des actions concrètes à la source.

L’arrêté du 30 juillet 2010 est un premier pas concernant les écureuils, mais souffrira très certainement de difficultés de mise en œuvre : comment en effet retrouver et contrôler les personnes qui relâcheraient leurs écureuils ? L’action de base devrait donc être d’interdire l’arrivée pure et simple de ces espèces sur le territoire, et par conséquent leur commercialisation. On le sait, beaucoup d’animaux interdits de commercialisation font l’objet de trafics, mais ceux-ci constituent a priori un moindre mal comparé à la commercialisation libre, car d’envergure moindre.

Une part importante de l’effort devrait donc être en premier lieu consacrée à l’éducation et l’information du public, qui devrait être obligatoire dans tous les points de vente dans un but de sensibilisation aux conséquences de l’acquisition d’une espèce exotique, en faisant appel au sens de responsabilité des personnes, pour réduire voire faire disparaître la demande, qui est au final à l’origine de tout.

En conclusion, des actions doivent nécessairement être entreprises à l’encontre des écureuils exotiques en France pour assurer la préservation de l’écureuil roux, espèce autochtone qui, de plus, est très appréciée du grand public. Cependant, la mise en œuvre concrète de ces actions semble sans conteste accélérée à partir du moment où ces écureuils apparaissent susceptibles de devenir une gêne ou de créer une menace pour l’Homme.

Néanmoins, les deux aspects semblent étroitement imbriqués : une espèce simplement dérangeante pour l’Homme est en effet avant tout qualifiée de nuisible ; et de même, les nuisances engendrées par la multiplication et la propagation rapide d’une espèce, si elles se font de prime abord sentir au sein de la biodiversité, finissent par être également perçues au niveau humain. Il convient donc de parvenir à envisager les choses comme un tout : les espèces envahissantes sont à la fois une menace pour la biodiversité et notre santé, et ont un coût économique parfois non négligeable. Il en est de même, dans ce domaine, pour le droit et la science, qui doivent s’associer pour aboutir à la mise en œuvre de solutions concrètes et efficaces".